top of page

20 ans après la loi du 11 février 2005 : Le retard français dans l'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap.

Laura COBIGO

Il y a maintenant 20 ans, la loi du 11 février 2005 marquait un tournant historique en France en matière d’inclusion des enfants en situation de handicap dans le système scolaire. Cette loi, intitulée "Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées", affichait un objectif ambitieux : garantir à chaque enfant en situation de handicap un accès à l'école, dans des conditions adaptées à ses besoins, et favoriser une véritable inclusion dans la société. Aujourd'hui, force est de constater qu'en dépit de ces belles intentions, le bilan est loin d'être glorieux. L'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap en France est encore trop souvent un vœu pieux.



La promesse de la scolarisation dans l'école ordinaire

L'un des principes fondamentaux de la loi de 2005 est la scolarisation dans l'école ordinaire, qui doit être la norme pour les enfants en situation de handicap. La loi stipule que chaque enfant doit pouvoir être accueilli dans une école de son quartier, au même titre que les autres élèves, et bénéficier de dispositifs d'accompagnement pour répondre à ses besoins spécifiques. Pourtant, la réalité est bien différente.

Des milliers d'enfants en situation de handicap sont toujours confrontés à des ruptures scolaires, une absence totale de proposition de temps de scolarisation, des parcours chaotiques et des taux de descolarisation inacceptables. La promesse d'une véritable école inclusive reste souvent lettre morte. Les écoles ordinaires, malgré quelques efforts, manquent cruellement de formation, de préparation et d’équipements pour accueillir ces élèves aux besoins éducatifs particuliers. Les enseignants sont souvent démunis, ils ne sont pas toujours suffisamment formés aux problématiques liées aux handicaps et aux besoins spécifiques des enfants, et les structures scolaires ne sont, pour la plupart, pas adaptées à leurs handicaps, qu’ils soient sensoriels, moteurs, ou cognitifs.


Le Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) : Une mesure mal appliquée

La loi de 2005 prévoyait également la mise en place d'un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) pour chaque enfant en situation de handicap. Ce projet devait être un outil fondamental permettant d’adapter le parcours scolaire aux besoins individuels de l’élève, en définissant les aménagements pédagogiques et les aides humaines nécessaires.

Aujourd'hui, ce projet est bien souvent mal appliqué, voire absent. Les parents se battent encore pour que leurs enfants bénéficient de ce qui est censé être un droit fondamental. Le PPS, dans la pratique, est souvent trop générique, mal suivi, et ne prend pas toujours en compte les évolutions des besoins des élèves. Il est parfois rédigé sans concertation véritable avec les familles et les équipes pédagogiques, laissant les enfants dans des situations précaires et mal accompagnées.


Des moyens humains et financiers insuffisants

La loi de 2005 prévoyait également un financement conséquent pour soutenir l'accompagnement des élèves aux besoins éducatifs particuliers, notamment en termes « d'Accompagnants des Elèves en Situation de Handicap » (AESH). Toutefois, le manque de personnels formés et le faible nombre de ces aides restent des obstacles majeurs à l'inclusion réelle. Les AESH, souvent sous-payés et précaires, sont rarement en nombre suffisant pour répondre aux besoins de chaque enfant. Il en résulte une surcharge de travail pour ces professionnels, qui ne peuvent pas offrir un accompagnement de qualité, comme ils le souhaiteraient, à tous les élèves concernés.

Par ailleurs, de nombreuses écoles ne disposent toujours pas des équipements nécessaires pour accueillir les enfants en situation de handicap dans de bonnes conditions : mobilier adapté, outils numériques, aménagements de locaux. Ces manques évidents soulignent une inégalité flagrante entre les élèves en situation de Handicap et leurs camarades.


Le cas du polyhandicap : Une exclusion presque totale

Le polyhandicap, qui touche une dizaine de milliers enfants, demeure l’une des problématiques les plus ignorées et les plus douloureuses dans le système scolaire français. Malgré les promesses de la loi de 2005, les élèves polyhandicapés subissent encore une forte exclusion du système scolaire ordinaire, que ce soit dans le projet de « l’école inclusive » mais également dans les dotations de postes d’enseignants dans les établissements médico-sociaux qui les accueillent. Ces enfants sont encore laissés pour compte dans un système éducatif qui ne parvient pas à répondre à leurs besoins complexes, à leur fournir les ressources nécessaires et à leur offrir des modalités de parcours variés permettant de s’adapter à la complexité de leurs profils et de leurs besoins.


C'est là que des associations comme "Des Carrés dans des Ronds" jouent un rôle crucial. L’association continue de mener un travail acharné auprès des diverses instances publiques pour faire valoir les droits des élèves polyhandicapés. Elle lutte pour que ces enfants bénéficient d’un accès à une scolarisation véritablement inclusive, mais aussi dans des établissements adaptés, afin que leur parcours soit personnalisé et suivi avec sérieux, cohérence, ambition et bienveillance.

Les familles d’enfants polyhandicapés attendent, avec une impatience grandissante, des solutions concrètes et une prise en charge à la hauteur des besoins de leurs enfants. Elles réclament un soutien humain et matériel à la hauteur des défis que ces enfants rencontrent au quotidien. Elles demandent également un véritable changement de regard et d’attitude, pour que la société comprenne que l’inclusion des élèves polyhandicapés ne se résume pas à les « tolérer » dans un cadre scolaire, mais bien à les intégrer pleinement dans notre société, en leur offrant un environnement propice à leur épanouissement.


Les défis à venir

Il reste encore tant à faire pour que la loi du 11 février 2005 ne soit pas qu’un texte sur le papier. Les associations de familles, les professionnels de l'éducation, et les collectifs de parents se battent chaque jour pour que l’inclusion scolaire devienne une réalité et que les enfants en situation de handicap puissent pleinement participer à la vie scolaire.

Mais ils souhaitent également que les parcours de scolarisation soient prévus, pour chaque jeune concerné par le droit à une instruction, dans des modalités variées pour répondre aux besoins les plus complexes de ceux dont les très grands défis entravent les possibilités de rejoindre les bancs de nos écoles.  Disposer d’enseignants en nombre suffisant dans les établissements médico-sociaux est primordial afin de respecter les droits de TOUS et maintenant.


Il est essentiel que le gouvernement mette en place des réformes structurelles : former tous les enseignants et les personnels éducatifs à la prise en charge des enfants en situation de handicap, augmenter le nombre d’AESH et améliorer leur statut, adapter les infrastructures scolaires à la diversité des handicaps, et garantir un financement suffisant pour que chaque enfant puisse bénéficier d’un parcours scolaire réellement adapté à ses besoins dans des modalités adaptées.

Le combat est loin d’être gagné, mais il est plus que jamais nécessaire. Nous ne devons pas oublier que la scolarisation et l’inclusion des enfants en situation de handicap n'est pas seulement une question de justice sociale, c'est aussi une question de respect des droits fondamentaux de chaque individu. Il est grand temps de passer de la parole aux actes et de donner aux enfants en situation de handicap la chance qu'ils méritent : celle d’une scolarisation réussie et d’une réelle inclusion dans notre société.


Pour cela, l’association "Des Carrés dans des Ronds" et toutes les associations qui luttent pour le respect du droit à la scolarisation et aux apprentissages des élèves en situation de handicap continueront de se battre, sans relâche, pour faire évoluer les mentalités et les pratiques, et pour que chaque enfant puisse avoir sa place à l’école.

 

Laura COBIGO

Présidente de l’association DES CARRES DANS DES RONDS


 

Comments


bottom of page